[quote]Avec plus de 1.000 nouveautés publiées en 2006, le manga représente désormais plus du tiers de la production de bande dessinée en France, et, loin de s'essouffler, le phénomène semble devoir durer. Au total, 15 millions d'exemplaires de BD japonaises ont été vendus l'an dernier dans l'espace francophone européen. Le manga est devenu le phénomène culturel d'une génération.
Plus de 800 titres traduits du japonais sont encore annoncés au premier semestre 2007, chez 36 éditeurs, contre 25 il y a tout juste un an.
"L'ampleur du phénomène et sa durée montrent qu'on est sur une tendance lourde, constante au cours des dix dernières années. Aujourd'hui, 100 nouveaux titres sortent tous les mois. Le manga a grandi très vite sur un marché en pleine explosion", souligne Claude de Saint-Vincent, directeur général du groupe Dargaud, dont la filiale Kana est leader sur le marché.
Six titres de la série phare "Naruto" (Kana) se sont vendus à un total de plus de 750.000 exemplaires l'an dernier. Et la plupart des grandes maisons d'édition de BD traditionnelle ont investi le secteur.
Les mangas publiés en France sont d'"une très belle diversité", estime Sébastien Langevin, spécialiste de BD japonaise, qui anime l'"Espace manga" de 500 m2, inauguré pour la première fois cette année au Festival international de la BD d'Angoulême (FIBD). "C'est un genre entaché de beaucoup d'idées reçues, sur le sexe ou la violence. Mais on découvre des chefs-d'oeuvre tous les jours", note-t-il.
En dix ans, des millions d'adolescents européens ont déjà été nourris de mangas. "Les bandes dessinées japonaises pour adolescents sont en train de devenir la marque culturelle d'une génération. Un code culturel que les aînés ne comprennent pas, comme le rock dans les années 1960", explique Sébastien Langevin.
La France est, après les Etats-Unis, le plus gros consommateur de BD japonaises. Un engouement qui s'explique, selon le responsable de l'"Espace manga", par le prix assez bas des albums : 6 euros en moyenne pour 200 pages, alors qu'une BD européenne standard coûte autour de 10 euros pour 48 pages.
Le manga a surtout pris chez les adolescents la place du roman de formation, un genre délaissé par la bande dessinée traditionnelle. "C'est une BD de formation. Le manga est toujours centré sur l'évolution d'un personnage qui a le même âge que le lecteur et se pose les mêmes questions que lui. Il y a à la fois une proximité émotionnelle entre le personnage et le lecteur et un éloignement culturel", selon Sébastien Langevin.
Avec plus de trois mangas en moyenne publiés chaque jour en France, "on se dirige vers un phénomène de surproduction", note Claude de Saint-Vincent : "En dix ans en France, on est en train d'absorber 40 ans d'histoire du Japon".