Lutteurs de sumo: quel prix à payer pour la santé pour ces athlètes hors norme ?
le 14/5/2007 à 2h35 par Mié KOHIYAMA (AFP)
A 30 ans, le champion de sumo Tochiazuma vient de renoncer à sa carrière pour raison médicale. Si le cas est rare, selon les experts, le sport national japonais, soumettant des lutteurs en surpoids à un rythme de compétition effréné, fait souvent payer un lourd tribut à la santé.
"Les docteurs ont détecté un symptôme d'attaque cérébrale, cela devient difficile pour moi de combattre seulement avec mon coeur", a déclaré Tochiazuma en annonçant sa retraite anticipée le 7 mai.
Cet ozeki (deuxième grade le plus élevé dans la hiérarchie du sumo) de 155 kilos pour 1,80 m était également victime d'hypertension artérielle.
"Le cas de Tochiazuma est rare", a affirmé à l'AFP le docteur Hiroyuki Yoshida, responsable médical de l'Association japonaise du sumo.
En trois ans, seuls deux lutteurs sur environ 700 ont "été contraints de renoncer à leurs carrières pour raison médicale", a-t-il assuré.
Pour autant, la nécessité d'avoir un poids développé, arme indispensable de cette lutte, pousse souvent les compétiteurs à des excès alimentaires à l'origine de problèmes de santé comme le diabète ou les pathologies cardiaques, reconnaît M. Yoshida.
20 oeufs par jour
Dans ses mémoires, Kazuhiro Kirishima, ancien champion de sumo dans les années 1980, raconte les excès auquel il s'est soumis pour atteindre le poids souhaité.
"Je m'efforçais chaque jour de me bourrer jusqu'au point où je sentais qu'en mangeant davantage j'allais tout régurgiter", écrit-il.
En plus de cinq repas quotidiens, le champion s'obligeait à engloutir 20 oeufs par jour: "Je me fixais la quantité que j'estimais pouvoir manger en oeufs durs que je faisais bouillir d'avance et je gardais les autres tels quels en les avalant les yeux fermés", décrit-il.
Les conséquences d'une suralimentation dans une vie rythmée par les entraînements intenses et les compétitions exposent les lutteurs à un "fort risque" de crise cardiaque, reconnaît le docteur Yoshida.
Depuis une série de décès par infarctus ayant frappé des lutteurs dans les années 1990, les autorités du sumo ont cependant renforcé les contrôles médicaux, notamment les bilans cardiaques.
L'Association du sumo a également pris des mesures pour freiner une course aux kilos délirante à laquelle se livraient les lutteurs désireux d'égaler les nouveaux champions d'alors, d'origine hawaïenne, pesant souvent plus de 200 kilos.
"Aujourd'hui, la tendance est d'inciter les athlètes à prendre des plats plus équilibrés et à manger plus de légumes", explique le docteur Yoshida, ajoutant que "le poids moyen des lutteurs de sumo a reculé ces dernières années grâce à ces efforts".
Plus de 280 kilos
Reste à combattre la gourmandise entre les repas de certains "rikishis" (lutteurs) qui raffolent de "sucreries ou d'aliments bourrés de graisses hypercaloriques", souligne-t-il.
A la fin de leur carrière, les rikishis sont ensuite soumis à un nouveau défi: la perte de poids.
"Les spécialistes leur conseillent en général de perdre du poids petit à petit, de réduire l'alcool, pour certains, et la ration calorique car ils font moins d'exercice", explique Doreen Simmons, spécialiste de sumo basée au Japon.
"De nombreux champions à la retraite sont en très bonne forme. Quand vous les voyez en costume dans les soirées, il est difficile de savoir qu'ils ont été un jour des lutteurs de sumo", dit-elle.
D'autres ont éprouvé plus de difficultés, à l'instar de l'ex-champion d'origine hawaïenne Konishiki qui a été jusqu'à peser plus de 280 kilos, un poids que n'ont pas supporté ses genoux constamment douloureux.
Quelques années après sa retraite en 1997, Konishiki témoignait de ses difficultés à perdre du poids et des insoutenables douleurs qu'il ressentait aux genoux après seulement quelques minutes de marche.
L'espérance de vie des lutteurs de sumo "est inférieure à celle d'un Japonais moyen, mais équivalente à celle d'un Japonais en surpoids", précise le docteur Yoshida.